" – Peu importe d’où l’on vient. Il n’y a pas de tonique. Le thème et son développement ne sont qu’un mirage…
Il y a une musique toujours inattendue.
– Et les dissonances ?
– Dieu les a créées, elles aussi…"
Jaume Cabré - "Voyage d'hiver" - 2014

”La terre, il se pourrait bien après tout que ce soit une espèce
de merveilleux petit appareil enregistreur, plaçé là par on ne sait qui,
pour capter tous les bruits qui circulent mystérieusement dans l’Univers.”
Pierre Reverdy - ”En vrac” - 1929

”J’entends tous les bruits de la terre grâce à mes oreilles et mes nerfs de cristal
dans lesquels circulent le feu du ciel et celui des volcans.”
Michel Leiris - ”Le point cardinal” - 1927

"L'écoute, c'est l'ombre de la composition"
Pascal Dusapin - 2008

"Go, go, go! ... Go! go! ..."
John Lee Hooker"

 

25/09/2017

Portrait Dubuffet

http://www.dubuffetfondation.com/focus.php?menu=37&lang=fr
Jean Dubuffet - 1961 - pic: J.Weber

C'est autour des toiles de Jean Dubuffet, réunies sous l'appellation générique de "Fleur de barbe", pendant leur exposition au Musée des Arts Décoratifs en 1964, que Gérard Patris trouve l'idée formelle autour de laquelle il va organiser son film "Portrait Dubuffet".

Jazz Band (dirty style blues) - 1944 - Jean Dubuffet

Vers Noël 1960, le peintre danois Asger Jorn (1914-1973), ancien membre fondateur du mouvement CoBrA qui venait de quitter l’Internationale situationniste, avait proposé à Dubuffet d’improviser de la musique avec lui. Sans tarder, Dubuffet avait acheté un enregistreur à bandes Grundig TK35 et le 27 décembre 1960, les deux comparses enregistraient leur premier morceau, ”Nez cassé”.
...
Dubuffet consacra rapidement une pièce de sa maison à ses activités musicales. Il y entreposa une collection d’instruments qui atteignit vite les cinquante unités : piano, violon, violoncelle, flûtes variées, trompette, basson, orgue à bouche chinois, xylophone, cymbalum, cithare, guitare, balafon, tambour de geisha, etc. Ignorants à l’époque, d’après leurs propres dires, des développements de la musique sérielle, dodécaphonique ou concrète, Jorn et Dubuffet se retrouvaient, en l’assumant très bien, dans une sorte de situation de retour à l’enfance, de non-maîtrise quasiment totale des outils d’appréhension du monde qu’ils étaient en train d’explorer, que ce soit au niveau du maniement des instruments de musique ou de celui du b.a.-ba. des réglages du magnétophone.
...
Dubuffet se prit tellement au jeu qu’entre les visites de Jorn il se mit à travailler seul sur leurs enregistrements en tentant des expériences de manipulation de la bande magnétique : 

”J’opérais par petits fragments, effaçant et recommençant les séquences mauvaises et organisant à l’aide des ciseaux et du papier collant, des coupures, des soudures et des assemblages”.
Avec quelques années de retard sur les pionniers d’une utilisation plus savante et contrôlée du magnétophone (Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, etc.) mais presque synchrones des approches plus sauvages de la machine par Henri Chopin (qui s’achète son premier magnéto en 1955) ou par un autre ex-peintre CoBrA, Karel Appel, Jean Dubuffet et Asger Jorn ouvrent la voie à une lignée disparate de musiciens assumant leur non-virtuosité et privilégiant l’invention et l’étonnement à la justesse de l’exécution. 
Jean-Pierre Armengaud, La Musique chauve de Jean Dubuffet (Séguier, 1991).

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"Fleur de Barbe"
c'est le titre d'un poème écrit par le peintre lui-même, poème que Dubuffet va scander, chanter, crier, de sa voix rocailleuse sublime, en s'accompagnant lui même d'instruments de musique traditionnels: flûtes, percussions, appeaux, métaux, etc., créant une étrange cantillation dont les accents renvoient à des rites traditionnels anciens.

Dans le générique, le travail sonore est mentionné de la manière suivante "Eléments sonores Jean Dubuffet, Luc Ferrari". Les interventions de Luc Ferrari sont relativement discrètes, jouant le rôle d'élément structurant en venant ponctuer les moments charnières du film, laissant la part belle aux sublimes actions poétiques de Dubuffet.


ICI, le film réalisé par Gérard Patris, un document à ne pas rater

http://philippelanglois.net/lcd/?p=1402

Les textes de ce post documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

A signaler bien sûr de nombreuses musiques de Jean Dubuffet à écouter sur UbuWeb 
et aussi sur disques CD & LP


Et aussi la sortie d'un CD de Luc Ferrari contenant deux musiques de films: "Tinguely" (1967) et "Dernier matin d'Allan Edgar Poe" (1964) chez Sub Rosa 

18/09/2017

Les nuits électriques

 

"Les nuits électriques" est un film réalisé en 1928 par le réalisateur ukrainien Levhen Slavchenko Eugéne Deslaw (1898-1966), figure incontournable du cinéma français d'avant-garde. Il était un ami de Luigi Russolo qui joua en direct sur ses films avec le Rumorharmonium

" Le film " à acteurs " ne me tente absolument pas. J'estime que la nuit moderne, peuplée de lumières étranges et chantantes, la nuit moderne qui ne ressemble vraiment à aucune autre nuit de l'histoire, est photogénique autant, plus encore que le visage d'une belle femme... Je ne travaillais pas selon un scénario préconçu. Je sortais le soir avec beaucoup de foi et mon petit appareil que tout le monde prenait pour un simple appareil photographique. Je me perdais dans la mer, dans la nuit, dans la foule. Je chassais les images comme on chasse des oiseaux. Des vagues sonores déferlaient. Le miracle venait à pas rapides, haletant. Je le saisissais confusément et l'enfermais dans ma boîte." Eugéne Deslaw


 
Théo Martelet de l'atelier Nautilus de l'école Faverges a réalisé la musique de ce film pour le 100éme anniversaire de "L'art des bruits" de Luigi Russolo (1913-2013).




A voir, bien sûr, du même cinéaste Eugéne Deslaw, le formidable film "La marche des machines" datant de 1927, ainsi que le film muet "Montparnasse" de 1930 (malheureusement introuvable sur le net ces derniers temps), une déambulation poétique et surréaliste dans le quartier de Montparnasse à Paris, où se mêlent quotidien et insolite et se croisent clochards, hommes-sandwichs, saltimbanques et artistes, parmi lesquels Buñuel, Fujita, Marinetti et Russolo. 



"Montparnasse d'Eugène Deslaw est une réussite avant-gardiste, où l'oeil bascule en permanence, nourri d'insolite et de mouvement... Plans obliques, plongées déroutantes sur la fourmilière, vues qui glissent et se chassent. Le spectateur, pris d'un somnambulisme visuel, se laisse guider par l'euphorie des images... Ombres et lumières sont arbitrées habilement et inondent les lignes brisées de tel ouvrage bétonné ou de cette cariatide au dessin sensuel. La caméra se promène entre les tables de La Rotonde et surprend une coquette saupoudrant un nez brillant ou un intellectuel, des révoltes pleines le crayon. On y devine Foujita, la clope élégante, ou Buñuel rêvassant devant des mollets qui dansent... Ateliers d'artistes, foires et brocantes pavent les trottoirs et rappellent les plus belles heures du foyer intellectuel que fut Montmartre."    Gael Le Bellego

14/09/2017

Spectral Canon

https://i.imgur.com/6l6399P.jpg

As Ligeti did with "Vertige", a lot of composers wrote scores for mechanical piano,
as tibutes to Conlon Nancarrow who worked on his "studies for player piano"
from 1948 to 1992.

The "Spectral canon for Conlon Nancarrow" composed by James Tenney was recorded with a Bösendorfer Ampico Grand, finely restored by Jörg Borchardt according to Nancarrow' directions.

11/09/2017

Souffle Continu records

http://www.soufflecontinu.com

"Souffle Continu" est avant tout une boutique de disques bien connue créée par Théo Jarrier & Bernard Ducayron à Paris: un haut lieu de diffusion des musiques improvisées, avant-gardes en tous genres, free-jazz, ambient, musiques électroniques et excentriques inclassables.
Ils créent leur propre label "Souffle Continu records" en 2014.
Celui-ci consiste principalement en rééditions de catalogues des années 70, et plus particulièrement du label culte Futura label créé en 1969 par Gérard Terrones.

"Souffle Continu" is basically a famous record shop managed by Théo Jarrier & Bernard Ducayron in Paris.
They created their own record label "Souffle Continu records" in 2014.
It consists of a lot of famous re-issues from the 70s catalogues,
particularly from the legendary and cult Futura label which was created by Gérard Terrones in 1969.



Dans le plus pur esprit des années 70, traversant les musiques psychédéliques, le free jazz, le rock oblique, la musique électronique et industrielle, ces rééditions rassemblent de nombreux artistes français, tous ouverts à l'expérimentation: 
Barney Wilen, Cohelmec Ensemble, Heldon & Richard Pinhas, Jac Berrocal, Emmanuelle Parrenin, Horde Catalytique pour la fin, Patrick Gauthier, Red Noise, le guitariste  Jean-François Pauvros en duo avec Gaby Bizien, Mahjun, Jean Guérin, Bernard Vitet & Jean-Jacques Birgé & Francis Gorgé (les trois membres de l'inclassable  "Un drame musical instantané") ... et bien d'autres.

Crossing the psychedelic aera, the free-jazz, the hybrid rock & the electronic and pre-industrial music...
to be short, the pure atmospheric spirit of the 70s,
these re-issues collect different french artists and musicians who were "open-minded" to experimental processes as Barney Wilen, Cohelmec Ensemble, Heldon & Richard Pinhas, Jac Berrocal, Emmanuelle Parrenin, Horde Catalytique pour la fin, Patrick Gauthier, Red Noise, the famous guitar player Jean-François Pauvros with Gaby Bizien, Mahjun, Jean Guérin, Bernard Vitet & Jean-Jacques Birgé & Francis Gorgé (all these three musicians founders & members of "Un drame musical instantané") and others...

 


3 nouveautés cet automne / 3 new issues this autumn
"No Man's Land" & "Pays noir" - Jean François Pauvros et Gaby Bizien - 1976
"La nuit est au courant" - Jac Berrocal - 1990



"La musique n'est que de l'air en vibration, elle est présente tout autour de nous et cela en permanence... Cependant, il est possible à travers une démarche artistique, d'appréhender des sons et de tenter de les travailler ou pas, à l'aide d'outils, d'ustensiles, d'instruments et d'en faire quelque chose qui pourrait révéler de l'émotion. La musique peut être aussi un langage universel, peut donc s'écrire et se lire, s'improviser ou se transmettre par tradition orale. Il faut toutefois garder en mémoire que la musique n’est pas seulement un art, mais aussi une image de la transformation du monde et de soi-même. Dans sa pratique, la musique doit permettre une ouverture à la perception du son, à la joie pure de l’art et de la vie elle-même." 
Théo Jarrier in Dmute blog

http://www.soufflecontinu.com/index.php?f=detail&ean=3491570053522&search=
 Jean-François Pauvros & Gaby Bizien in 1976
for the "No man's land" LP
"A kind of French no wave ahead of its time!" (Philippe Robert).

une interview intérressante de Théo Jarrier (en français) sur "Le son du grisli"
&
quelques musiques de la collection à écouter:

Heldon - 1976



Gorgé & Birgé - 1974


Majhun - 1973
 


ENJOY!  
and thanks to Théo and Bernard to make us re-discover all these jewels


"Souffle Continu records" soundcloud

 

06/09/2017

Canaxis

http://www.czukay.de/

Holger Czukay, un (de mes) maître(s) de la musique électronique et rock nous a quitté hier à l'âge de 79 ans.

Holger Czukay, a seminal master of electronic and inventivity in music, one of the founders of the Krautrock band "Can",  just flied away yesterday.
 
https://www.discogs.com/Technical-Space-Composers-Crew-Canaxis-5/release/4025128

As a tribute, his own work  included in the LP "Canaxis" in 1968.
with "Boat woman song", a masterpiece to listen to again & again.