Jean Dubuffet - 1961 - pic: J.Weber
C'est autour des toiles de Jean Dubuffet, réunies sous l'appellation générique de "Fleur de barbe", pendant leur exposition au Musée des Arts Décoratifs en 1964, que Gérard Patris trouve l'idée formelle autour de laquelle il va organiser son film "Portrait Dubuffet".
Jazz Band (dirty style blues) - 1944 - Jean Dubuffet
Vers Noël 1960, le peintre danois Asger Jorn (1914-1973), ancien membre fondateur du mouvement CoBrA qui venait de quitter l’Internationale situationniste, avait proposé à Dubuffet d’improviser de la musique avec lui. Sans tarder, Dubuffet avait acheté un enregistreur à bandes Grundig TK35 et le 27 décembre 1960, les deux comparses enregistraient leur premier morceau, ”Nez cassé”.
...
Dubuffet consacra rapidement une pièce de sa maison à ses activités musicales. Il y entreposa une collection d’instruments qui atteignit vite les cinquante unités : piano, violon, violoncelle, flûtes variées, trompette, basson, orgue à bouche chinois, xylophone, cymbalum, cithare, guitare, balafon, tambour de geisha, etc. Ignorants à l’époque, d’après leurs propres dires, des développements de la musique sérielle, dodécaphonique ou concrète, Jorn et Dubuffet se retrouvaient, en l’assumant très bien, dans une sorte de situation de retour à l’enfance, de non-maîtrise quasiment totale des outils d’appréhension du monde qu’ils étaient en train d’explorer, que ce soit au niveau du maniement des instruments de musique ou de celui du b.a.-ba. des réglages du magnétophone.
...
Dubuffet se prit tellement au jeu qu’entre les visites de Jorn il se mit à travailler seul sur leurs enregistrements en tentant des expériences de manipulation de la bande magnétique :
”J’opérais par petits fragments, effaçant et recommençant les séquences mauvaises et organisant à l’aide des ciseaux et du papier collant, des coupures, des soudures et des assemblages”.
Avec quelques années de retard sur les pionniers d’une utilisation plus savante et contrôlée du magnétophone (Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, etc.) mais presque synchrones des approches plus sauvages de la machine par Henri Chopin (qui s’achète son premier magnéto en 1955) ou par un autre ex-peintre CoBrA, Karel Appel, Jean Dubuffet et Asger Jorn ouvrent la voie à une lignée disparate de musiciens assumant leur non-virtuosité et privilégiant l’invention et l’étonnement à la justesse de l’exécution. Jean-Pierre Armengaud, La Musique chauve de Jean Dubuffet (Séguier, 1991).
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"Fleur de Barbe" c'est le titre d'un poème écrit par le peintre lui-même, poème que Dubuffet va scander, chanter, crier, de sa voix rocailleuse sublime, en s'accompagnant lui même d'instruments de musique traditionnels: flûtes, percussions, appeaux, métaux, etc., créant une étrange cantillation dont les accents renvoient à des rites traditionnels anciens.
Dans le générique, le travail sonore est mentionné de la manière suivante "Eléments sonores Jean Dubuffet, Luc Ferrari". Les interventions de Luc Ferrari sont relativement discrètes, jouant le rôle d'élément structurant en venant ponctuer les moments charnières du film, laissant la part belle aux sublimes actions poétiques de Dubuffet.
ICI, le film réalisé par Gérard Patris, un document à ne pas rater
Les textes de ce post documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.
A signaler bien sûr de nombreuses musiques de Jean Dubuffet à écouter sur UbuWeb
et aussi sur disques CD & LP
Et aussi la sortie d'un CD de Luc Ferrari contenant deux musiques de films: "Tinguely" (1967) et "Dernier matin d'Allan Edgar Poe" (1964) chez Sub Rosa
C'est autour des toiles de Jean Dubuffet, réunies sous l'appellation générique de "Fleur de barbe", pendant leur exposition au Musée des Arts Décoratifs en 1964, que Gérard Patris trouve l'idée formelle autour de laquelle il va organiser son film "Portrait Dubuffet".
Vers Noël 1960, le peintre danois Asger Jorn (1914-1973), ancien membre fondateur du mouvement CoBrA qui venait de quitter l’Internationale situationniste, avait proposé à Dubuffet d’improviser de la musique avec lui. Sans tarder, Dubuffet avait acheté un enregistreur à bandes Grundig TK35 et le 27 décembre 1960, les deux comparses enregistraient leur premier morceau, ”Nez cassé”.
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Dubuffet consacra rapidement une pièce de sa maison à ses activités musicales. Il y entreposa une collection d’instruments qui atteignit vite les cinquante unités : piano, violon, violoncelle, flûtes variées, trompette, basson, orgue à bouche chinois, xylophone, cymbalum, cithare, guitare, balafon, tambour de geisha, etc. Ignorants à l’époque, d’après leurs propres dires, des développements de la musique sérielle, dodécaphonique ou concrète, Jorn et Dubuffet se retrouvaient, en l’assumant très bien, dans une sorte de situation de retour à l’enfance, de non-maîtrise quasiment totale des outils d’appréhension du monde qu’ils étaient en train d’explorer, que ce soit au niveau du maniement des instruments de musique ou de celui du b.a.-ba. des réglages du magnétophone.
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Dubuffet se prit tellement au jeu qu’entre les visites de Jorn il se mit à travailler seul sur leurs enregistrements en tentant des expériences de manipulation de la bande magnétique :
”J’opérais par petits fragments, effaçant et recommençant les séquences mauvaises et organisant à l’aide des ciseaux et du papier collant, des coupures, des soudures et des assemblages”.
Avec quelques années de retard sur les pionniers d’une utilisation plus savante et contrôlée du magnétophone (Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, etc.) mais presque synchrones des approches plus sauvages de la machine par Henri Chopin (qui s’achète son premier magnéto en 1955) ou par un autre ex-peintre CoBrA, Karel Appel, Jean Dubuffet et Asger Jorn ouvrent la voie à une lignée disparate de musiciens assumant leur non-virtuosité et privilégiant l’invention et l’étonnement à la justesse de l’exécution. Jean-Pierre Armengaud, La Musique chauve de Jean Dubuffet (Séguier, 1991).
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"Fleur de Barbe" c'est le titre d'un poème écrit par le peintre lui-même, poème que Dubuffet va scander, chanter, crier, de sa voix rocailleuse sublime, en s'accompagnant lui même d'instruments de musique traditionnels: flûtes, percussions, appeaux, métaux, etc., créant une étrange cantillation dont les accents renvoient à des rites traditionnels anciens.
Dans le générique, le travail sonore est mentionné de la manière suivante "Eléments sonores Jean Dubuffet, Luc Ferrari". Les interventions de Luc Ferrari sont relativement discrètes, jouant le rôle d'élément structurant en venant ponctuer les moments charnières du film, laissant la part belle aux sublimes actions poétiques de Dubuffet.
ICI, le film réalisé par Gérard Patris, un document à ne pas rater
Les textes de ce post documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.
A signaler bien sûr de nombreuses musiques de Jean Dubuffet à écouter sur UbuWeb
et aussi sur disques CD & LP
Et aussi la sortie d'un CD de Luc Ferrari contenant deux musiques de films: "Tinguely" (1967) et "Dernier matin d'Allan Edgar Poe" (1964) chez Sub Rosa
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