Semi-improvised performance of Ed Williams' Decomposition of the Siciliana from J S Bach's Sonata IV - BWV 1017.
With Anouck Genthon (violin) & Ed Williams (harpsichord) during the Attacca festival, Hochschule für Musik Basel, Ackermannshof, in June 2023.
The original duet’s part of the Largo has been discarded and the continuo part allowed to flourish to become a different kind of duet, involving the original instrumental pair of harpsichord and violin. Acting like enzymes breaking down organic matter, the two performers collaboratively weave an improvised tissue of timbres, intervals and silences that emerge from the diffraction, repetition and savoring of the original score’s notes. This calls to mind the image of string figures described by Isabelle Stengers: “...but knowing that what you take has been held out entails a particular thinking “in-between”... with the demand that you not proceed with ‘mechanical confidence’... two pairs of hands are needed, and in each successive step, one is ‘passive’, offering the result of its previous operation, a string entanglement, for the other to operate...” (Stengers, 2011).
- - -
La partie du duo original du Largo est abandonnée et la partie de continuo peut s’épanouir pour devenir un autre type de duo en soi, impliquant le duo instrumental original du clavecin et du violon.Agissant comme des enzymes décomposant la matière organique, les deux interprètes tissent en collaboration un canevas improvisé de timbres, d’intervalles et de silences qui émergent de la diffraction, de la répétition et de la dégustation des notes de la partition originale.Cela rappelle l’image des figures de cordes décrites par Isabelle Stengers : " ... mais savoir que ce que vous prenez a été tendu implique une réflexion particulière « entre »... avec l’exigence de ne pas procéder avec une « confiance mécanique »... deux paires de mains sont nécessaires, et à chaque étape successive, l’une est « passive », offrant le résultat de son opération précédente, un enchevêtrement de cordes, pour que l’autre opère... " (Stengers, 2011).
On "Beyond the Coda", another work of Ed Williams: "decomposition study" with an organ,
Le 4 juillet 1975, jour de la fête nationale aux Etats-Unis, le collectifAnt Farmorganise une performance spectaculaire sur le parking du Cow Palace, grande arène sportive et lieu de concerts proche de San Francisco. Cette performance intitulée "Media Burn"
met en scène la collision de deux icônes de la culture
américaine : la voiture et la télévision. Pilotée par Schreier et
Michels déguisés en astronautes, une Cadillac customisée (le Phantom Dream Car) percute une pyramide enflammée de téléviseurs devant un parterre de 400 spectateurs figurants.
"Media Burn" employs performance and spectacle in service of media critique, featuring the explosive collision of two of America's most potent cultural symbols: the automobile and television. On July 4, 1975, at San Francisco's Cow Palace, the collective Ant Farm presented what they termed the "ultimate media event". In this alternative Bicentennial celebration, a "Phantom Dream Car"- a reconstructed 1959 El Dorado Cadillac convertible- was driven through a wall of burning TV sets.
Ant Farm, collectif d'architecture et de médias alternatifs au caractére bien souvent politique vis à vis de l'époque, a été cofondé en 1968 par l'artiste radical Doug Michels (1944-2003) et Chip Lord, artiste médiatique américain et professeur émérite à UC Santa Cruz.
La performance était présentée par le discours du soi-disant Président (des Etats-Unis) incarné par l'artiste photographe et activiste critique des médias Doug Hall
"Ce qui ne va pas avec l’Amérique n’est pas une visite aléatoire du destin.C’est le résultat de forces qui ont pris le contrôle du système américain… Ces forces sont : le militarisme, le monopole et les médias de masse… Les monopoles des médias de masse contrôlent les gens par leur contrôle de l’information… Et qui peut le nier ?sommes-nous une nation accro à la télévision et au flux constant des médias ?Et peu d’entre nous sont frustrés par cette dépendance.Maintenant, je vous le demande, mes compatriotes américains : n'avez-vous jamais eu envie de mettre votre pied à travers votre écran de télévision ?"
Une version plus longue de tout l'évènement à voir ICI
The great poet and slamer Saul Williams declaiming his rage towards our world and performing his popular poetry piece "Coded Language" of Def Poetry Jam, the spoken word poetry television show. Great defender of Afro-Americans and their culture, critic of wars and ostracisms of all kinds, charismatic performer and rap singer, actor for the famous movie "Slam", writer, he is an amazing artist.
"Utilisée comme un instrument, la voix humaine révèle la large palette de sons dont le corps humain est capable. Au-delà des mots et du langage, la voix peut explorer tous les sons du corps."
Shelley Hirsch, née en 1952, artiste performeuse, vocaliste, improvisatrice et compositrice, se produit depuis 1983 aux USA, en Europe, Asie, Afrique et Australie. Parmi ses principaux travaux : "My Father Piece" (2000), "For Jerry" (1996), et "O Little Town of East New York" (1991). Shelley Hirsch a enregistré pour une quinzaine de labels discographiques, dont Tellus, Nonesuch, Innocence Records et Tzadik. Elle est lauréate de nombreuses bourses du NEA et du New York Foundation for the Arts, Harvestworks, DAAD de Berlin, et autres.
Interview de Shelley Hirsch réalisée par Daniela Swarowsky à Brooklyn le 21 octobre 2003 Archive et traduction par Anaïs Prosaïc
Daniela – Si on commençait par le début… Tu as grandi à Brooklyn… Plus précisément à East New York?
Exact. Les gens confondent le Lower East Side avec East New-York, qui est une toute petite enclave aux confins de Brooklyn. Un quartier populaire, très violent, plein de tensions raciales. Je suis née en 1952, les choses ont énormément changé au cours des années 50-60. Dans les années 50, nous avons vécu dans un immeuble avec des gens de toutes sortes de cultures différentes, les musiques sortaient des appartements, Yma Sumac, Chet Baker, Stan Getz, Mantovani Strings… Dans les HLM, on entendait des percussions africaines. Mais à partir des années 60, c'est devenu un quartier divisé… Nous avons emménagé dans une maison pour deux familles dans une rue où chacun défendait âprement son territoire. Beaucoup de gens étaient partis s'installer en banlieue, les HLM à deux rues de chez nous étaient habités par des noirs hostiles. Ce n'était pas très agréable de traîner dans le coin. Tout le monde était super raciste! Quand j'étais petite, j'écoutais la stéréo dans le salon de mes parents en dansant avec mon père… Avec lui, un environnement musical enchanté entrait dans notre salon. Il chantait… Soudain, on percevait cette petite phrase de flûte, ou de harpe, ou une voix humaine, Johnny Mathis, Frank Sinatra, Nat King Cole… Tous les mois au supermarché du coin, j'achetais un nouveau volume d'une collection de livres sur les cultures du monde. Nous avions aussi une immense collection de disques du Reader Digest de musiques de toute la planète: deux minutes de musique de Honolulu, suivi d'un morceau de Rachmaninov, puis d'un extrait de rumba congolaise… J'ai commencé à aller à l'école à Manhattan à 14 ans, avant je rôdais déjà par-ci par-là…
Daniela - Tu as déménagé à San Francisco?
D'abord, je me suis installée pendant un an dans le Lower East Side à 17 ans. J'ai laissé tomber les études secondaires. J'avais un job très créatif au Club Canin d'Amérique qui consistait à reclasser les fiches des caniches… J'étais romanesque, en rentrant chez moi le soir, quand je passais devant un club de jazz, ça me faisait swinguer, et parfois on m'invitait à entrer… J'ai toujours chanté et joué la comédie étant enfant dans les couloirs à cause de leur acoustique, je ne me prenais pas du tout pour une star : ce qui me plaisait c'était de monter des petits projets bizarres avec les copains de l'école. J'ai toujours été fascinée par les arts d'extrême-orient. Je savais qu'une importante communauté japonaise vivait en Californie, et qu'on pouvait y étudier la danse et le théâtre du Japon. Je suis allé à San Francisco pour devenir danseuse de kabuki! Malheureusement, c'est impossible pour une femme… J'ai fait partie d'un groupe de théâtre, je créais des accompagnements sonores. On faisait un travail expérimental dans la veine de Grotowski et de l'Open Theatre. On allait se balader sous le Golden Gate Bridge pour recueillir des sons… On cultivait la mémoire physique des espaces et on les rapportaient avec nous dans la salle de répétition… Dans notre travail, nous opposions sans cesse langage et non-langage: environnement, espace, architecture, créer des sons à partir des espaces, puis aller vers la vie des rêves, les espaces oniriques, par l'improvisation à partir de sons et de mouvements. Cette façon de travailler à partir de sons très abstraits ou d'images m'a marquée, cette recherche d'un langage ou d'une histoire au fond de soi. Je mélangeais narration abstraite, environnement et espace, effets acoustiques… Cela a duré environs sept mois. Après, on s'est fait arrêtés… Nous faisions une pause estivale, après avoir joué à travers la Bay Area une forme de théâtre pauvre, sans décors. Nous représentions tout avec nos corps. Des pyramides à six pour totems fous… Nos spectacles évoluaient en fonction des lieux où l'on jouait. Je n'ai jamais trouvé intéressant de jouer dans une église ou ailleurs si le spectacle n'est pas précisément conçu en fonction du lieu. Il y avait un sous-groupe qui faisait du théâtre pour enfants. On habitait une grande demeure au bord de l'océan. J'avais sous-loué ma chambre à un type qui s'avéra être un dealer. Le groupe répétait au premier et j'étais en bas, malade, en compagnie de mon petit-ami. Les gens du quartier voulaient nous virer. Dans cette maison, vivait un vieux médecin spécialiste de Mark Twain. Sa bibliothèque contenait les premières éditions de tous les grands auteurs de la côte ouest. Mais les voisins, des avocats et des bourgeois, eurent raison de notre présence. Le panier à salade est arrivé et la police a embarqué tous les comédiens en répétition, dont une fille qui avait un enfant. Ils l'ont embarquée, et nous sommes restés avec l'enfant…
J'ai décidé de partir pour l'Europe… Mais d'abord je suis revenue à New York, travaillant comme serveuse dans un café de l'East Village, faisant des jam-sessions dans les arrières-salles de clubs de blues. Je voulais aller en Europe à cause d'un théâtre de mime des environs d'Amsterdam. Au terme d'un enchaînement de circonstances échevelées, j'ai atterri dans un squat. Comme il y faisait très froid, on traînait dans les bars, il y avait un groupe qui jouait toutes les chansons de mon père… Un jour, désinhibée par la douceur des liqueurs locales, je leur ai proposé de chanter. En fait c'était une bande de journalistes qui jouaient du swing (en amateurs) Je suis devenue la chanteuse de Ego and the Hard Shots, ils avaient entre 40 et 50 ans j'en avais 20… Je chantais "Funny That Way", des vieilles chansons de Billie Holliday et Frank Sinatra, des standards. (rires!) Quand j'étais en Californie j'ai travaillé avec un groupe dans la mouvance de Bob Wilson pendant qu'il était en voyage en Iran. Ca ne collait pas parfaitement avec eux parce que j'étais un peu trop expressionniste. Je me souviens que Stephan Brecht, le fils de Bertold Brecht, faisait partie du groupe… Lui m'aimait beaucoup, moi et mon travail. Je ne devrais peut-être pas le dire, mais un jour j'ai accepté de partir un peu avec lui… Nous avons fait une escapade dans une maison qu'il possédait dans le Massachusetts. Il écrit toujours pour Robert Wilson (”A Letter to Queen Victoria”) et Richard Foreman. C'est le premier à m'avoir parlé de Jeanne Lee et autres grands chanteurs improvisateurs, de ceux qui ont interprété ”Sophisticated Lady” accompagnés par Archie Shepp. Je cherchais ses disques frénétiquement. Je me suis retrouvée dans un choeur à Saint-John-the-Divine*. Un pied dans une production multi-media, où je faisais des environnements sonores, et un pied dans un chœur… A l'époque, je ne connaissais rien à l'improvisation libre. Une autre source de revenu était de travailler comme modèle dans les écoles d'art. C'est en posant comme modèle que j'ai le plus appris. Ca répondait à la question: comment passer de l'abstrait à la narration en se servant du corps? Je prenais des poses en référence à des peintures que j'avais vues, puis je passais à quelque chose de très abstrait, et je continuais ainsi à jouer avec cette idée, c'était une forme d'art-performance. J'ai fait ça jusqu'en 82 à New York et à Amsterdam.
J'ai toujours improvisé et mélangé les sources culturelles. En 1974, je cherchais encore ma voie (voix!) dans le Soho des années 70: Hamiet Bluiett, Oliver Lake, Revolutionary Ensemble… A la fin des années 70, apparaît John Zorn, en parallèle avec l'école minimaliste et la scène punk - Theoretical Girls, the Contortions… Je chantais dans des groupes de jazz, des groupes de rock, j'ai fait de la musique avec David Simons pour des danseurs coréens, il y avait beaucoup d'influence orientale dans le rock de l'époque… J'ai fini par atterrir dans le cercle de Zorn. On se réunissait pour répéter dans un sous-sol. Au-dessus se trouvait une animalerie exotique, avec des aquariums et des criquets. Je n'ai pas fait d'improvisation libre en concert avant un trio avec Daniel Moroni ? et Wayne Horvitz. J'ai joué dans les "game pieces" de Zorn. Je jouais avec Bill Laswell, David Garland, David Van Tieghem… Zorn nous a entendu à la Kitchen et il m'a invitée à participer aux game pieces. Il y eu Eugene Chadbourne, Tom Cora, Anthony Coleman, Marc Miller… 1979-80. On jouait à Studio Henry, Irving Plazza, Danceteria, CBGB's, dans des lieux pour le jazz ou pour la musique pour la danse, comme la Kitchen.
Daniela – Comment réagissait le public?
Il y avait toutes sortes de réactions, les puristes juraient que ce n'était pas de la musique… Il y a toujours des gens qui pensent comme ça, rien n'a changé… Les polarisations étaient plus ou moins les mêmes qu'aujourd'hui. Mais c'était assez radical!
Daniela – C'est ce que m'ont toujours parus être les concerts de Zorn…
Au début des années 80 j'ai fait un voyage de deux mois en Italie. J'avais réalisé un petit opéra avec David Simons, quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé. A Berlin j'avais rencontré un couple de mécènes… A la même époque un groupe de rock allemand cherchait une chanteuse. Mais je voulais pénétrer la scène improvisée. J'ai rencontré le batteur suédois Sven-Åke Johansson, des plasticiens… Nous avons fait des performances inoubliables qui remplissaient des espaces immenses… J'adorais ça! Ensuite j'ai joué avec Christian Marclay. Nous avons travaillé une pièce intitulée ”Dead Stories”. Une pièce extraordinaire qu'il devrait rejouer! Ca incluait de la musique, une performance scénique, cinq chanteurs, nous l'avons jouée pour la première fois au Performing Garage ou au 8BC… Le 8BC était un club fantastique, sur la 8e rue entre les avenues B et C, un grand beau vieux club. Dans les années 80, il y avait des endroits fantastiques pour jouer à New York. Nous avons été invités au festival de Moers en petite formation, avec Arto Lindsay, David Moss, moi… On a fait un tabac! Et j'ai commencé à travailler beaucoup.
J'ai fait mon éducation en lisant les livres qui traînaient autour de moi ou chez des copains. Les belles rencontres, les opportunités réussies, sont affaires d'attirance, d'intuition et de création… En faisant du stop, en posant aux beaux-arts… Je suis allée comme ça au festival de Newport et j'ai assisté au premier concert de Janis Joplin sur la côte Est… C'est aussi la façon dont on perçoit ces choses, c'est donné à tout le monde. La sensation d'attraction…
Je me suis installée dans mon loft de Tribeca en 1976. C'était une période fantastique pour Downtown. Tous les artistes avaient des endroits pour travailler, musiciens et plasticiens se retrouvaient dans les bars. Les membres de Sonic Youth étaient étudiants en cinéma et en art, Glenn Branca avait fait du théâtre auparavant… Jeffrey Lohn était l'un des rares à être purement musicien. Quelle période géniale! Une grande variété de gens, beaucoup d'idées, un entrecroisement de formes… Ca n'existe plus guère aujourd'hui. On pouvait écouter toutes les musiques du monde, le scène punk était extraordinaire, les gens à l'époque jouaient une musique hautement énergique, intelligente et drôle… Et puis il y avait la scène improvisée. Les improvisateurs européens étaient très différents de nous. C'est seulement en trio avec Sven-Åke Johansson et Wolfgang Fuchs que j'ai abordé l'improvisation libre.
Dans les années 60, beaucoup de musiciens et de professeurs essayaient d'échapper à la guerre au Viet Nam. J'ai travaillé avec des gens politiquement engagés, les acteurs de la Mama qui faisaient du théâtre expérimental. J'ai fait partie de la section SDS de mon lycée, Ted Gold des Weathermen était venu à un de nos meetings. Nous participions aux meetings et aux manifestations contre la guerre. J'avais un professeur qui vivait à Chelsea et qui m'a fait découvrir Ornette Coleman et Béla Bartók… et il me draguait en plus! A un moment je faisais le va et vient entre jouer avec des musiciens européens et des musiciens new yorkais. John Zorn étaient respecté par des européens comme le guitariste Derek Bailey. Et puis j'ai commencé à faire beaucoup d'improvisation libre. J'étais sollicitée par différents musiciens. C'était génial, ça devenait de plus en plus facile d'accéder à ce qui se trouvait déjà là. Je prenais conscience du processus. 1985 a été une année pivot pour moi. J'ai rencontré Jon Rose, nous avons beaucoup travaillé ensemble. J'ai rencontré David Weinstein avec qui j'ai collaboré pendant sept ans, nous vivions et travaillions ensemble (cf l’album de 1989 ”Haiku Lingo”). C'est une partie très importante de ma vie. En 1982 j'ai travaillé avec J.A. Deane avec qui j'ai fait mes premières expériences de traitement électronique de ma voix. David m'a encouragée à en faire plus. D'abord j'ai eu un digital delay (delay numérique), puis deux, un harmonizer. C'était comme des outils psychologiques : les effets sur ma voix produisaient une façon différente de penser, un peu comme quand on parle dans une langue étrangère. Les propriétés acoustiques permettaient de modifier l'espace dans lequel je me trouvais. Si je chante dans un cabaret, je vais chanter autrement que dans un lieu "sec"… Les effets électroniques déclenchaient l'apparition de personnages ou le surgissement d'émotions, ou la sensation d'espace, sur le plan physique et psychologique.
En 1992 j'ai obtenu une résidence de six mois à Berlin. J'ai travaillé avec la plasticienne Barbara Bloom, une pièce qui représentait cinq femmes : les femmes et leurs passions… Catherine de Russie, Marie Bonaparte, la psychanalyste de la frigidité. Un personnage maternel conçu d'après ma propre mère, une geisha, et enfin sainte Thérèse d'Avila… J'interprétais tous les personnages, j'avais écrit des textes et composé la musique. Barbara avait conçu une immense scène tournante, les cinq personnages avaient chacun un divan et une bibliothèque… La scène tournait et un nouveau personnage apparaissait… J'ai écrit cette pièce à New York et à Berlin, elle a été présentée une fois à Munich… La pièce ”East New York” a été écrite un peu plus tôt. A partir des années 90, j'ai beaucoup utilisé les effets électroniques. On m'a offert un sensor-lab, ce truc que les gens paient aujourd'hui 2000$. A l'époque mon travail était centré sur le déclenchement des effets vocaux. Plus tard je me suis mise à composer à partir d'un clavier échantillonneur.
Daniela – On peut revenir sur le mystère de l'improvisation libre…
Ce qui est important dans l'improvisation libre, c'est une spontanéité qui n'est pas donnée à tout le monde. J'adore me retrouver face au danger… Je n'y arrive pas toujours. Parfois je me contente de puiser dans mon sac à malices en évitant de tomber dans la facilité et les clichés. Quand on joue avec de nombreux musiciens différents, on a toutes les chances d'engager des conversations musicales multiples, et ce qui se passe avec l'un se passera autrement avec un autre… Encore un fois, pour moi ça consiste à puiser dans la mémoire, à tisser des trames… C'est la fonction que j'aime quand j'improvise avec un groupe, saisir des morceaux épars, construire un lien, donner le fil à retordre conducteur… L'expérience d'improviser avec un autre musicien est toujours différente. C'est stimulant d'utiliser différents outils.
Daniela – Est-ce qu'il t'arrive de "parler en langues" ?
Ca m'arrive… Ca me trouble, parce que c'est presque une signature… Il m'arrive d'être plongée dans un état… médiumnique… Je dois plonger en moi-même si profondément que ça a l'air un peu psychotique… Ce que j'écris à tendance à laisser une plus grande place à l'improvisation libre. Mais je voudrais me pousser en avant pour voir si quelque chose se répète où si ce son a encore la possibilité de se transformer. Jusqu'où puis-je aller dans mes propres profondeurs et comment j'en ressors pour me trouver…
Daniela – Est-ce une expérience extatique?
Parfois, oui. Dans un sens non religieux, plutôt un état de transe. C'est aussi le jaillissement de la légèreté, le jeu des mots, le plaisir ludique… C'est intense, voire hystérique… Mais il y a aussi quelque chose de léger, le sens de l'humour, le sens des situations les plus délirantes qui provoquent le rire! J'aime opposer l'intensité de la colère à la douceur de la tendresse, et à l'humour. Je ne cherche pas à faire le clown, mais quand on passe de la colère à de la poésie déjantée, ça fait rire…
Daniela – Shelley Hirsch et la planète des avant-vocalistes, Diamanda Galas, Joan de la Barbara…
C'est vrai que nous utilisons toutes le corps et la voix, nous avons des techniques communes mais nos vocabulaires sont différents. Nous utilisons le même instrument pour ses possibilités sonores et émotionnelles. J'ai travaillé avec Bahima, cette chanteuse hollandaise extraordinaire dans le groupe de David Moss, et avec Susan Dehim dans le groupe de Christian Marclay. Du côté des vocalistes masculins, Phil Minton aussi est extraordinaire. Et Yma Sumac, que j'écoutais quand j'étais petite! Je n'aime pas être prise pour une vocaliste acrobatique. On ne dit pas ça de Diamanda Galas, elle fait pourtant plus de pyrotechnique que moi! Joan La Barbara est plus conceptuelle mais elle est prise au sérieux. L'acrobatie vocale ne me semble pas être au coeur de ma musique.
Daniela – Est-ce qu'on peut parler de "technique étendue" pour la voix?
La technique étendue est un corpus. J'entends dire : elle utilise les sons de quelqu'un d'autre! Tous les êtres humains fonctionnent de la même façon, quand on part en exploration, quand on balaie les idées reçues, si on essaie de recréer un air qui existe déjà, c'est autre chose… Mais on ne peut pas reprocher à quelqu'un d'utiliser un son qui est dans l'air et donc appartient à tout le monde. J'ai essayé d'imiter toutes sortes de grands chanteurs quand j'étais gamine. Ou bien j'imitais une partie de flûte ou de harpe ou de guitare. Ou les oiseaux, le bruit de l'eau. J'ai chanté avec une machine à laver. J'ai découvert les ressources de ma cavité vocale, la variété des textures… Une exploration.
Dans mes cours, j'insiste sur l'écoute et la spatialisation. Écouter son instrument et être attentif à la façon dont les sons se forment, et essayer de visualiser. Etre attentif aux plus petites nuances. Le souffle à la fin d'un mot, comment il s'interrompt ou se prolonge. Les minuscules sons provoqués par la salive… Longtemps j'ai chanté sans mots, mais maintenant j'improvise beaucoup avec les mots. C'est pour ça que ça devient plus dur de continuer à aller en Europe… A moins d'improviser en français, ce que je réussis pas mal, en fait : inspiration – graduation – tout ce qui existe comme mots identiques en français et en anglais. J'ai besoin de ma langue maternelle…
from "Glow" with Gordon Beeferman, Michael Evans, Michael Foster (2023)
Daniela – Bilan du travail accompli ces dix dernière années?
J'ai composé beaucoup de pièces comme des émissions de radio. J'aime l'idée qu'une pièce puisse avoir une existence purement sonore, mais puisse être aussi un spectacle multi-media. J'aime les portraits. La pièce sur Jerry Hunt qui m'a demandé des années de travail, a été jugée trop expérimentale en Allemagne. East New York est le portrait d'un quartier. Jerry Hunt** fantastique performer, compositeur, vidéaste, dont le travail m'a sidérée quand je l'ai découvert. Il est mort en 93. En 96 j'ai fait une série d'hommages comprenant des duos virtuels avec lui. J'ai eu un entretien avec son amant. J'ai utilisé des archives, sa musique, j'ai fait construire des sculptures, conçu une installation video… Un monde…
Je suis apparue dans la série des musiques juives radicales de Tzadik, le label de John Zorn. Sur le moment, je trouvais que ça ne convenait pas à ce que je faisais, mais ça m'a fait réfléchir à mes propres préjugés. Ce n'est pas avant d'avoir joué en Suisse dans une manifestation intitulée ”Musique Juive : Héritage et identité”, que j'ai commencé à me poser des questions sur l'antisémitisme, sur la ténacité de la résistance des Juifs. Je n'ai pas été élevée dans la tradition juive, mais j'en adorais les réminiscences culturelles, les chants à la synagogue du voisinage, les balancements et les antiques habits de prière… Je ne me sens pas particulièrement concernée par la notion de musique juive radicale telle que l'entend Zorn. Surtout par ces temps d'occupation et d'oppression exercées par des Juifs. Ce n'est pas toujours facile d'être juif…
______
* St John the Divine, près de l'université de Columbia à Harlem. Cette cathédrale était un bastion de la protestation politique et sociale. Elle a été à l'origine de nombreuses manifestations culturelles destinées à élargir son influence sur les communautés voisines, divisées par la race, l'argent et le pouvoir universitaire.
** The Work of Jerry Hunt Jerry Hunt (1943-1993). Pionnier de la musique électronique et de la performance vidéo en temps réel, constructeur d’instruments numériques expérimentaux. Au catalogue Tzadik : Jerry Hunt "Song Drapes". Dernière performance en 1993 de ce géant de l'électronique live où figurent ses amis Karen Finley, Shelley Hirsch et Mike Patton, dédiée au médium Edward Kelley et aux alchimistes.
Jerry Hunt was a brilliant, one-of-a-kind artist and human being. A pioneer of real-time electronic and computer music and video, he designed and built much of his own equipment long before the advent of commercial samplers, digital signal processors and computers. Because his tools were so idiosyncratic it was difficult to know how it all worked; I'm not sure that anyone ever really knew what he was doing. For this reason his performances were wonderfully disorienting -- one never knew exactly where these sounds and images were coming from, or what their relationship was to his onstage activity. In fact, you never quite knew if it was all "working" or not, but that was part of the mystery and the charm of it.
______
Anaïs Prosaïc, journaliste, documentariste. Elle réalise de nombreux films musicaux (Mahmoud Ahmed, Eliane Radigue, Marc Ribot, Sylvie Courvoisier, Patti Smith ... >La Huit<) et, dans les années 90, participe à deux émissions phares de la télévision:
"Megamix" (1989-1994), produit par Martin Meissonnier pour La Sept/Arte & "L'oeil du cyclone" (1994-1999), programmes Courts/Canal+. L'entretien avec Shelley Hirsch ci-dessus fait
partie d’un ensemble à paraître dans un futur ouvrage intitulé "Les
insolites new yorkais farouches"…
Daniela Swarowsky, née en 1960 à Vienne (Autriche), décédée en 2019 à Berlin. Organisatrice de rencontres artistiques et d’évènements multi-media, productrice de concerts de musique nouvelle et expérimentale, chercheuse, auteure de plusieurs films documentaires ("Messages From Paradise I & II") qui questionnent les notions d’identité, de migration, d’exil. A vécu et travaillé à Vienne, Paris, New York, Rotterdam et Berlin.
My work has been driven by the attempt to stretch and cross boundaries. My work often starts out with an idea, which I am interested in exploring. These ideas are nourished by cultural, social and political phenomena, which I try to analyze before turning them into an artistic concept. By metaphors I invent settings for experiments, initiate artistic and social processes, create and direct experiences, and produce material and immaterial images as well as space(s).
I conceive an artistic concept, develop a framework as a starting point and invite other artists, often from different artistic backgrounds or disciplines to join in to explore a specific theme or context together with me. The projects are always developed in an open and visible process for a specific context and space, which often is not the traditional white cube. The audience becomes an integral part of the work and cannot stay outside as pure spectators or consumers. Communication and interaction with the people in the street is part of the work and essential. The documentation plays an important role as the work is often ephemeral and only takes place in a fragment of time.
That’s what I do: invite people to take risks and do things they would normally not do on their own, be it the artists, the shopkeepers, or the locals. I create instructions for experiments, build a (fairly) save framework in which the artists/ participants have enough space for their individual research and can take off on their ‘internal journey’. I try to keep my awareness on the process as much as on the whole. In a way I'm directing, always walking on the borderline between structuring and letting loose.
I
left my country (Austria) in 1995 for New York City. I am living the
life of an immigrant since eight years. This has made me question topics
like: identity, home, migration, exile, etc. After having moved three
years ago to Rotterdam I had to learn the language and had to decode
Dutch culture in order to navigate through it. Like most foreigners I
had no access to facilities and therefore I have a different perspective
than the Dutch. Since my arrival in 2000 I sensed a big gap between the
‘allochtone’ and the ‘autochtone’ society, in a different way than in
multicultural societies as the U.S.A., Austria or France, where I had
lived previously. It had to be Rotterdam that I dared to step into the unknown, trying to bring my world of ideas into the Zwaanshals reality."
wi watt’heure #43 est dédié à Christina Kubisch, une artiste qui a marqué l'histoire des arts sonores. Depuis les années 70, elle explore de nouveaux territoires, espaces, dispositifs et technologies, en ouvrant le champ de la musique et en rompant avec les canons de la composition musicale et des avant-gardes. Cet entretien réalisé à Berlin retrace sa trajectoire singulière en commençant par le début du travail de l’artiste et ses expériences dans deux domaines – la musique et la technologie – encore très marqués par des asymétries de pouvoir, de visibilité et de légitimité liées au genre. Un point de vue à la fois personnel et politique sur 45 ans d'expérimentation incessante dans l’art et la musique.
L'artiste multiforme français Frédéric Danos est avant tout un poète singulier. Prêt à tout, en profond accord avec les idées de l'improvisation, mettant en avant le fait qu'il faut rester curieux de tout, et sans cesse voulant être étonné, il arpente divers champs du monde des arts et de celui de la vie. Tour à tour lecteur, comédien, joueur de guitare, activiste et militant politique (CIP-IDF), excellent cuisinier, homme de radio, faiseur de bruits électrifiés, toujours aux frontières d'univers troubles d'ectoplasmiques démonstrations, de temps qui se dilatent, d'égarements d'ordre pataphysique, de performances non-dansées mais dansantes, il aime par-dessus tout cultiver les mots comme nul autre au travers d'oralités singulières et de charabias zygomatiques...
"16 lyriques"avec Joris Lacoste, Stéphanie Béghain et Palix (2005)
"L'encyclopédie de la parole" depuis 2007, avec de nombreux partenaires autour d'une collecte d'un grand nombre d'archives sonores explorant l'oralité sous toutes ses formes: discours politiques, poésie orale, publicités, conversations,
lectures, commentaires sportifs, entretiens, messages téléphoniques,
cinéma, rituels, rap, documents ethnographiques, prédications,
conférences, babil, plaidoiries, délires, séries télé, instructions,
contes, charabia, brainstorming, hypnose, insultes, tutoriels,
sprechgesang, boniments, dictées, chroniques radio, incantations,
journaux télé , discours d’entreprises, théâtre, enchères, gymnastique,
déclarations d’amour, synthèse vocale...
Avril 2023 : publication de son livre "L'encyclopédiste" (commander ICI) dont il a usage de faire la lecture en public. Aussi disponible à la librairie L'Atelier à Paris et Zoéme à Marseille.
extraits de sa lecture à Marseille en avril 2023 (montage/mixage Palix)
"Do you remember how real it was that time when we were both so coloured by the sun?
Do you remember how real it was that time when we were both clouds? Or
we were one cloud rather, a unified cloud coloured pink by the sun..."
______
A song, a speech and a story, an amazing radical and minimalist performance which involves an hypnotic state for the audience.
The icelandic artistInga Huld Hákonardóttir - located in Brussels - and the french sound artist Yann Leguay play on raw materials and
extract the music that the chosen materials propose. In between dance and music, an amazing beating gesture
causing a throbbing rhythm. The effort carries spoken word out of it’s
habitual state into a sonic limbo where a human howl could be located
somewhere between wolf and dog.
pic: Stanislav Dobak
Un chant, une histoire, une étonnante, radicale et minimale performance qui plonge l'auditoire dans une forme d'hypnose qu'on souhaiterai ne pas voir finir.
L'artiste Islandaise Inga Huld Hákonardóttir basée à Bruxelles et l'artiste sonore Yann Leguay jouent de la masse sur un simple morceau de poutre: une performance sonore et visuelle quasi métronomique, régie par une espèce de danse qui nous trouble. L'effort fourni pour ce(s) geste(s) rend le mot parlé, et parfois brièvement chanté, hors de son état habituel dans des limbes sonores où un hurlement humain pourrait être situé quelque part entre le loup et le chien. Cette performance est un extrait du spectacle intitulé "Again the sunset" chorégraphié, mis en scène et en musique par Inga et Yann.
Julien Blaine, né en 1942, est un des créateurs de la poésie action, et a participé à de nombreuses performances et lectures dans divers festivals de poésie et rencontres littéraires. Il publie de nombreux livres et fonde en 1975 la revue "Doc(k)s"
En 1982, se mettant en danger physiquement, il se jette du haut des escaliers de la Gare Saint Charles à Marseille...
The New-Zealander Phil Dadson born in 1946, studied fine arts
in Auckland (NZ), majoring in sculpture and time-based
arts. He had the chance to work in the UK 1968/69 with
Cornelius Cardew's
foundation group for a Scratch Orchestra.
Back in New Zealand in 1970, he founded
a Scratch Orchestra in 1970 and later in 74 the avant-garde ensemble "From Scratch", which would use everything from old lampshades to customised
PVC pipes to perform its intricate, rhythmic compositions.
Since that period, he also activates lot of different projects in between collective performance, sound sculpture, experimental instrument building, video installation, teaching methods, and, of course, rythmical compositions.
Phil who received many major awards and commissions
including a Fullbright travel award to the USA, and research, exhibition
and performance grants, devotes his energy, full time, to his own work.
some pieces - SOUND TRACKS, and exhibited Tapping the Pulse; video and film works from 1971-2004
- sound-sculpture TENANTENNAE at
the Connells Bay Sculpture Park on Waiheke Island
- has co-authored Slap Tubes and other Plosive Instruments-
a DIY guide to building a variety of slap tube instruments,
- In 2011, Phil participated in the Kermadec Ocean project,
curated by Gregory O'Brien, in support of a Kermadec Ocean Sanctuary.
Phil joined a number of artists voyaging on the HMNZS Otago to Raoul
Island and onto Tonga Tapu.
a few works
"Drumwheel" with two different versions from 1979 & 2018