" – Peu importe d’où l’on vient. Il n’y a pas de tonique. Le thème et son développement ne sont qu’un mirage…
Il y a une musique toujours inattendue.
– Et les dissonances ?
– Dieu les a créées, elles aussi…"
Jaume Cabré - "Voyage d'hiver" - 2014

”La terre, il se pourrait bien après tout que ce soit une espèce
de merveilleux petit appareil enregistreur, plaçé là par on ne sait qui,
pour capter tous les bruits qui circulent mystérieusement dans l’Univers.”
Pierre Reverdy - ”En vrac” - 1929

”J’entends tous les bruits de la terre grâce à mes oreilles et mes nerfs de cristal
dans lesquels circulent le feu du ciel et celui des volcans.”
Michel Leiris - ”Le point cardinal” - 1927

"L'écoute, c'est l'ombre de la composition"
Pascal Dusapin - 2008

"Go, go, go! ... Go! go! ..."
John Lee Hooker"

 

21/09/2018

Nuit des noirs

"nuit des noirs"  
1989
 une peinture d'Olivier Agid

... nuit des noirs
… le gros nègre aux lèvres rouges, carmin à souhait, le carmin ”603” sans doute, quasi vermeil, qui occupe la partie centrale de l’image, semble chanter, devant un micro, façon Satchmo, vous savez, comme ça se faisait avec ces micros à ruban d’autrefois,
ceux du blues austère et primitif qui savait, comme nul autre,
faire grincer le crin sur l’acier et le whisky dans la gorge,

… les poumons de ce nègre chanteur semblent palpiter, vibrer, pulser comme de toniques sinusoïdes, treillis graphique comme la partition d’un voluptueux  ”deep ambiant groove”  comme on les aime,
celui qui ne se fait pas remarquer,
mais insidieusement te berce et te soigne

… le micro partagé avec une créature aigüe,
anguleuse qui semble funky comme un solo de Jamaladeen Tacuma,
une figure électrique et pointue aux dents baleinières qui semblent vouloir croquer le dit-micro

… le micro qui semble être vocaliste lui-même,
voulant croquer ses concurrents avec ses lèvres carmin, elles aussi!
mais, présence de dents longues et acérées, comme les piques d’un râteau faneur

… ces chants? mélopées? vocalises ou onomatopées,
opérées pour le plaisir de deux oreilles bien distinctes à droite,
oreilles tendues de plaisir et d’intérêt,
oreilles captives de leur mission d’espionnite jalouse,
oreilles fausses jumelles aux lèvres tantôt lippues tantôt scratchées aux extrémités

… et aussi la partie des plus noires de la scène, cet autre personnage immobile en contrebas,
aux yeux d’étincelles comme un jet d’acide qui visent un lointain off,
aux oreilles invisibles noyées dans le noir,
néanmoins fort à l’écoute incisive du contenu sonore de ce qui est distillé par le micro

...fort à parier qu’il y a, bien sûr, une amplification soigneusement cachée
à cette plongée sonique dans le off du paysage

… nonobstant le gouffre vertigineux qui domine tout l’espace, orthogonal en même temps que plongeant,
tel une cage d’ascenseur vide, noire,
dans lequel un des protagonistes pourrait frôler la mort dans une malencontreuse chute…
contre plongée vers une autre dimension…

... comme une étrangeté,
l’absence totale de personnage-femme dans toute cette histoire de chants…




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"Dig Disorder" live @ Fondation Cartier
pour la Soirée Nomade "d'ailleurs" en 1996
avec Olivier Agid, Palix, Jeff Rian & EC#


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