" – Peu importe d’où l’on vient. Il n’y a pas de tonique. Le thème et son développement ne sont qu’un mirage…
Il y a une musique toujours inattendue.
– Et les dissonances ?
– Dieu les a créées, elles aussi…"
Jaume Cabré - "Voyage d'hiver" - 2014

”La terre, il se pourrait bien après tout que ce soit une espèce
de merveilleux petit appareil enregistreur, plaçé là par on ne sait qui,
pour capter tous les bruits qui circulent mystérieusement dans l’Univers.”
Pierre Reverdy - ”En vrac” - 1929

”J’entends tous les bruits de la terre grâce à mes oreilles et mes nerfs de cristal
dans lesquels circulent le feu du ciel et celui des volcans.”
Michel Leiris - ”Le point cardinal” - 1927

"L'écoute, c'est l'ombre de la composition"
Pascal Dusapin - 2008

 

27/03/2025

Le serpent d'étoiles


 

Une nuit d'été, non loin de la montagne de Lure dans les Alpes de Haute Provence, parmi "deux cents hommes et cent mille bêtes en transhumance”, Jean Giono assiste stupéfait à une véritable cérémonie secrète. A la lueur des feux, au son des harpes éoliennes et des flûtes à eau, une dizaine de bergers jouent un drame épique dans une langue tissée de visions, mêlant le provençal, le génois, le corse, le piémontais...
Entre récit d'initiation et enquête hallucinatoire, son célèbre roman ”le serpent d’étoiles” est publié en 1933
 

 

 

 

 

” Comme on approchait, l’arbre se mit à chanter d’une voix qui était à la fois humaine et végétale. Je vis qu’on avait asservi les deux cornes de l’arbre par la traversière d’un joug creux; on avait tendu neuf cordes du joug au pied de l’arbre: ainsi, il était devenu une lyre vivante, à la fois de l’ample vie du vent, de la sourde vie des troncs gonflés de résine et de la vie saignante de l’homme.
Le berger toucha les cordes pour en doser la force. On entendait ces sons, en bas dessous, en plein maquis, et les feuillages grondaient comme sous les larges gouttes d’un orage. Enfin, le berger s’adossa au grand tronc recourbé, il étala ses mains au plein des cordes et il attendit le vent.
On l’entendait: au-delà des vallées, les larges plateaux sifflaient déjà sous lui comme du fer qu’on trempe.
Il arriva et, tout aussitôt, du haut du palier de la colline s’élança le chant aux trois vies. L’arbre tout entier vibrait jusque dans ses racines et du large emplie de ses doigts l’homme serrait les rênes au beau cheval volant: tout le ciel ruisselait au travers de la lyre.
Alors, une grêle d'oiseaux tomba de la nuit et, comme des pierres en marche, les moutons se mirent à monter à travers le bois. Ils sortaient doucement de la barrière des arbres. Ils venaient, pas à pas, un par un, sans bruit. Ils étaient là, tête basse, à écouter , et la corne des béliers traînait dans l'herbe, et l'agneau tout tremblant se cachait sous le ventre de la brebis.
Sans bruit !

… cette harpe, il la fit dans la juste sonorité d’un flux d’eau: on aurait dit chanson de grande source. En plus de ça, n’ayant pas de pin lyre à cette hauteur, le berger l’avait tendue dans les branches d’un chêne; elle était donc beaucoup plus grande que d’habitude…Les harpes éoliennes sont toutes seules à s’essayer dans le grand dimanche. C’est un bruit de draps claquants à l’étendoir; des tourbillons d’hirondelles; le vent venu de loin sur une longue glissade et qui se retient maintenant à pleine main dans les arbres.
Commence une musique sèche, faite au tympon seulement: des essais de joie à la gamme et les grosses notes sonnait comme des appels… ”

Cette cérémonie  est accompagné de musique: une musique pour plusieurs récitants et trois instruments… la harpe éolienne, le tympon et la gargoulette."

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”Le tympon est cette flûte à neuf tuyaux : flûte de jeux et de détresse. Elle donne une gamme et deux do profonds, très graves : l'un devant la gamme, l'autre derrière. Ces notes sombres sont là toujours prêtes à sonner l'alarme à chaque bout de la chanson… on souffle seulement aux sept tuyaux en faisant couler les roseaux devant sa bouche.”

”Les gargoulettes sont des flûtes à eau. Il y en a de deux sortes. Les unes sont en bois de sureau: on dirait des pipes. Les autres sont en terre vernie; on dirait des cruches et elles imitent le chant des oiseaux… tous les oiseaux à chants à roulades; ça les imite, ça les appelle, ça fait la femelle à la perfection.”

 "Les harpes éoliennes sont toutes seules à s’essayer dans le grand dimanche. C’est un bruit de draps claquants à l’étendoir; des tourbillons d’hirondelles; le vent venu de loin sur une longue glissade et qui se retient maintenant à pleine main dans les arbres.
Commence une musique sèche, faite au tympon seulement: des essais de joie à la gamme et les grosses notes sonnait comme des appels… ”

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à l'écoute de certaines harpes éoliennes: "Dis"

un mythique album de Jan Garbarek publiè chez ECM en 1976.


 

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